N° 015 Hommage à Zophia RYZNERSKA et à la famille RYZNERSCY.

Récit d’une amitié franco-polonaise de 45 ans

Zophia RYZNESRKA est morte le 17 novembre 2018 à Cracovie, dans son sommeil, onze ans après  Zygmunt RYZNERSKI, son mari, décédé le 30 octobre 2007.

Lorsque j’ai reçu le 29 novembre 2018 le courriel d’Adam RYZNERSKI m’annonçant la mort de Zophia RYZNERSKA, sa maman,  je n’ai malheureusement pas été surpris. En effet la dernière fois que je l’avais vue, en juillet cette année, lors de la visite rituelle que je ne manquais jamais de lui faire, lorsque je passais à Cracovie, elle m’avait semblé si faible que j’eus le triste pressentiment que je la voyais probablement pour la dernière fois.

Dés la réception du courriel d’Adam, j’ai essayé de lui téléphoner le jour même, de 15 heures à minuit, et le lendemain toute la journée. Face à ce silence je lui ai adressé un courriel, qui resta sans réponse,  Dans l’impossibilité inexplicable de communiquer avec Adam personnellement, j’ai fait appel à un ami de Cracovie, qui a pu, lui, le joindre à son travail. C’est ainsi que j’ai appris qu’Adam désirait  s’isoler longuement pour vivre sa peine et sa douleur.

Respectant les souhaits du fils de Zophia et Zygmunt, je reste seul avec mon chagrin et le souvenir des moments de bonheur partagés avec la famille RYZNERSCY, à laquelle je tiens à rendre hommage sans plus attendre.

Récit d’une amitié franco-polonaise de 45 ans

Avant la fin de son post-doctorat de neuf mois au Laboratoire de Chimie Thérapeutique (Faculté de Pharmacie de Montpellier), Zygmunt a eu l’heureuse idée de faire venir sa femme, pour quelques jours à Montpellier.

Fin juin 1973, Zygmunt, accompagné de sa femme, fait ses adieux au laboratoire d’accueil, où il a noué des liens d’amitiés qui se montreront indéfectibles, malgré toutes les difficultés politiques et économiques.

Juin 1973, lors de son départ, Zygmunt invite ses  amis français à venir chez lui :  « À l’an prochain en Pologne ! »
En août 1974, Pierre , sa femme Mathilde et deux amies, Jacqueline et Yolande répondent à l’invitation de la famille RYZNERSCY. Venus en voiture de Montpellier, les 4 Français arrivent par le Sud, après être passés par Genève, Vienne et Bratislava. Dès la frontière franchie, officiellement communiste, la Pologne se montre très catholique.
Les retrouvailles ont lieu à Rabka, dont la gare de triage de cette coquette station thermale semble accueillir toutes les  locomotives hors d’usage de la Pologne. 
Après deux jours passés à Rabka, hébergés chez l’habitant, la délégation française entame un grand périple pour découvrir la Pologne, en commençant bien sûr par Cracovie, où elle est logée chez les RYZNERSCY. 
 Zygmunt et Zophia  font tout pour que leurs amis français gardent un bon souvenir de la Pologne en général, et de Cracovie en particulier. Ils font tout pour faire connaître et aimer leur pays.  Avant de quitter leurs hôtes polonais sur la grande place de Cracovie, en les remerciant de leur accueil exceptionnel, les Français leur promettent de rester en contact permanent avec eux, pour leur venir éventuellement en aide en cas de besoin.  

Une solide amitié franco-polonaise, promise à une longue histoire, venait de naître.  Un grand espoir s’était fait jour, se revoir prochainement en France ou/et en Pologne, 

Las, les promesses sont difficile à tenir. Tant que la poste et le téléphone fonctionnent à peu près normalement les amis ne manquent pas de communiquer régulièrement, avec toujours le regret de ne pouvoir se retrouver., comme ils se le sont promis.

La loi martiale instaurée en République populaire de Pologne le 13 décembre 1981, vient mettre un terme, pendant plus d’un an, à tout échange entre la Pologne et la France. Malgré de nombreux et réguliers essais, par lettre et/ou par téléphone, aucun message ne réussit à franchir le rideau de fer jusqu’en janvier 1983.   

Mais, bien que la loi martiale reste en vigueur jusqu’au 22 juillet 1983, début janvier, les communications téléphoniques privées sont rétablies. Tous surpris de pouvoir de nouveau  parler à  Pierre, les premiers mots de Zygmunt à son ami français sont pour le sommer de revenir en Pologne, chez lui, le plus vite possible. 

Dès août 1983, Pierre répond à l’invitation pressante, voire comminatoire, de son ami de Cracovie., accompagné d’Annette, sa nouvelle compagne, et d’un couple d’amis, Faty et Jean-Marie. Les 4 Français arrivent en voiture en suivant le même trajet qu’en 1974. Ils effectuent sensiblement le même périple qu’en 1974.
Août 1983, promenade en charrette à cheval dans les Tatras, au Sud de Zakopane.

Août 1983,  à partir  de cette date, jusqu’en 2007, Pierre et Zygmunt  ont  eu la chance de pouvoir se retrouver en France et/ou en Pologne au moins une fois par an. Avril 1984, à Montpellier, avril 1985 à Cracovie, septembre 1986,  etc.

3 septembre 1986, invité par le gouvernement pour un séjour post-doctoral de 2 mois, Pierre est accueilli dans le Laboratoire  de Pharmacie Chimique de Cracovie (Professeur Alfred ZEJC).
1986- Le 10 Octobre, le professeur Alfred ZEJC, vice-recteur de l’Académie de Médecine de Cracovie, signe au nom de la partie polonaise le protocole de coopération que son Académie propose à l’Université de Montpellier 1 (Médecine, Pharmacie, Droit, etc.). Le document est signé dans le bureau du recteur rue Sainte Anne, sous les regards attentifs de Zygmunt et Pierre. Grâce à la grande sollicitude de l’Attaché scientifique près l’ambassade de France à Varsovie, attribuant de nombreuses bourses  et financements d’échanges, ce protocole de coopération peut passer du rêve à la réalité, dès 1987.
Durant les 2 mois de son séjour à Cracovie, Pierre  bénéficie de conditions d’hébergement exceptionnelles. Au lieu de séjourner tout seul en résidence universitaire dans le logement qui lui est réservé, il a la chance de vivre chez Zygmunt et Zophia qui tiennent absolument à lui faire partager leur modeste, mais au combien chaleureux foyer, 21 rue Lenartowicza. En vivant pendant plusieurs semaines au cœur d’une famille polonaise, Pierre peut apprendre à connaître la Pologne et les Polonais dans  les meilleures conditions.
Pierre partage pendant tout son séjour, les repas, les soirées et les sorties de la famille RYZNERSCY. En septembre, grâce au « bel automne doré » polonais, les excusions en fin de semaine sont nombreuses et particulièrement agréables.  La randonnée au sommet de Babia Gora, qui se trouve sur la frontière slovaco-polonaise, est inoubliable, de même que le pic-nique que Zophia a préparé.
En novembre 1987, une première délégation de la Faculté de Pharmacie de Montpellier, conduite par le doyen ORZALESI, vient, via Varsovie, faire connaissance avec ses homologues de la Faculté de Pharmacie de Cracovie. Zygmunt est venu accueillir, à l’aéroport de Varsovie, ses deux vieux amis français qui font bien sûr partie de cette première délégation. Il en profite pour faire faire aux 7 Français une rapide visite guidée, du centre historique de la vieille ville, entièrement détruit  et reconstruit à l’identique.
Le 22 mai 1988, accompagnée de son mari, Zygmunt, du doyen de la Faculté de Pharmacie de Cracovie, du professeur  Jerzy POREBSKI, et du vice-recteur de l’Académie de Médecine de Cracovie, le professeur  Alfred ZEJC, Zophia découvre la vieille Faculté de Médecine de Montpellier.
Zophia retrouve le centre de Montpellier, qu’elle n’a pas revu depuis juin 1973, en compagnie de Pierre et Annette. 
Le dimanche de pentecôte, la délégation polonaise est invitée chez le professeur Jean CASTEL.
Lundi de Pentecôte, Pierre invite la délégation polonaise à visiter le pays catalan. Zophia apprécie.
Zophia, le doyen POREBSKI et le vice-recteur ZEJC découvrent Collioure pour la première fois. Zygmunt lui a déjà visité ce lieu avec Pierre en avril 1973.
Zophia et Zygmunt ensemble, devant le célèbre point de vue du port de Collioure.
Mai 1988, Zophia et Zygmunt sur la place de Prats-de-Mollo, village de montagne fortifié à l’extrémité Ouest du Haut-Vallespir.
En mai 1989, Pierre accompagne à Cracovie une nouvelle délégation de la Faculté de Pharmacie de Montpellier. À un mois des élections du 6 juin 1989, il est facile de sentir que ce scrutin d’un type nouveau va permettre à un grand nombre de candidats non-communistes d’être élus. Nul ne peut encore imaginer alors que dans six mois le Mur de Berlin ne sera plus qu’un mauvais souvenir. 
Après l’écrasante défaite des candidats soutenus par le parti communiste aux élections de juin 1989, la  chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, signe pour les Polonais la fin définitive du système soviétique. La création d’ICEO, le 14 décembre 1989,  dans le bureau du professeur Jean CASTEL, donne à la coopération  Montpellier-Cracovie, jusque là purement scientifique, une forme nouvelle élargie à d’autres sujets. Zygmunt RYZNERSKI devient immédiatement  le responsable d’ICEO et de Pharmaciens sans frontières en Pologne. Zophia RYZNERSKA se retrouve dès lors contrainte de tenir table ouverte pour les nombreux Français que Zygmunt hésite rarement à inviter chez lui.
Février 1990, Pierre , hébergé une fois encore rue Lenartowicza, vient  à Cracovie solliciter l’assistance de quelques  amis pour  installer ICEO en Pologne.  Par amitié pour lui  Zophia les invitent tous à dîner.
Février 1990, quelques jours après, ce sont Marek et Martha ZEMBALOWIE qui régalent les amis.
Zophia et Zygmunt, côte à côte, pour une fois !
Avril 1990, venus étudier les nouvelles opportunités économiques qu’offre la Pologne, deux responsables d’une société de BTP du Languedoc-Roussillon, sont reçus chez Zygmunt et Zophia.
Septembre 1990, c’est au tour du président de la Chambre du commerce et de l’industrie d’Alès, Max ROMANET, de bénéficier de l’hospitalité des locataires du  21 rue Lenartowicza. Noter sur cette photo l’apparition de Jacek JUREK, le tout nouveau complice de Zygmunt. Le duo d’exception qu’ils forment tous les deux depuis leur première rencontre deviendra vite célèbre pour ses nombreux exploits « diplomatiques ». Pas un problème pour ICEO en Pologne, pour lequel ils ne trouvent une solution. Cela leur vaudra un qualificatif élogieux. Zygmunt et Jacek : « Lotna brigada » (la brigade volante).
Le 16 décembre 1990,  deux responsables d’ICEO ont la joie de pouvoir terminer  une année particulièrement bien remplie entourés de leurs grands et fidèles amis de Cracovie. Soirée chez Martha et Marek ZEMBALOWIE.
Septembre 1991, encore et encore une importante réunion rue Lenartowicza. La future Antenne d’ICEO, 4 rue Bracka, est désormais sur sa rampe de lancement. Comme il aime le faire, Pierre arrive chez ses amis polonais en calèche.
13 décembre 1991, les principaux responsables de l’Association fêtent, avec la « Brigade volante », l’ouverture de la toute nouvelle Antenne d’ICEO à Cracovie.
Zophia a une fois de plus préparé le dîner avec le sourire.
Le 16 décembre 1992, c’est le Vice-président de la région Languedoc-Roussillon, ancien maire de la Grande Motte, René COUVEINHES, qui est accueilli  chez Zophia et Zygmunt.
1994, Zygmunt à la fenêtre, toujours aussi souriant et accueillant.
Juillet 1995, dans les locaux de l’Académie du vin de Cracovie, fondée par ICEO, Zygmunt et Zophia viennent saluer le « Grand Maître » de la Faculté de Pharmacie de Montpellier, le docteur François WINTERNITZ, ancien directeur de recherche au CNRS, ancien collaborateur du professeur Max MOUSSERON.
23 et 24 octobre 1998, jours de fête à Prats-de-Mollo. La petite fille de la maison, la fille de Pierre se marie.
La « Lotna Brigada » et Zophia  répondent à l’invitation.
Les amis polonais ne viennent pas les mains vides, ils apportent des champignons.
En attendant que les champignons cuisent, Zophia fume dans son coin une énième cigarette.
Tandis que Zygmunt lézarde un drapeau breton à la main.
Tandis que Jacek et Pierre, un verre à la main, patientent et refont le monde. 
24 octobre 1998, après-midi, c’est le moment  du grand jour, le mariage d’Anne et de Sam.
12 mai 1999, le lever du « roi ». Zygmunt qui était un homme charmant avait une faiblesse, il laissait le plus souvent l’entière responsabilités  des taches ménagères à Zophia. Lorsque le reproche lui en était fait, il répondait imperturbable :  « Moi, je suis Louis XIV ! ».
12 mai 1999, Zophia attend le « Roi soleil » dans « sa » toute petite cuisine.
27 octobre 1999, la secrétaire du Laboratoire de Chimie Thérapeutique de Montpellier, qui connait Zygmunt et Zophia depuis 1973, fait enfin connaissance de Cracovie et Varsovie. Elle est bien évidemment invité dans le petit appartement, rue Lenartowicza, dont elle a tant entendu parler.
Fin juillet 2004, Piotr le responsable de l’Antenne ICEO de Cracovie, vient saluer Zygmunt rue Lenartowicza. Zophia et Zygmunt savent alors qu’ils leur faut abandonner l’appartement, du centre ville, où ils ont vécu avec leur fils Adam, plus de cinquante ans.
2 octobre 2004, merci messieurs, pour tout !
14 avril 2007, Pierre découvre, en compagnie de l’ancien président fondateur de la chambre de commerce et d’industrie française en Pologne, Félix KIECZKA, le nouvel appartement, où l’office du logement de Cracovie à relégué la famille RYZNERSCY. La « Brigade volante » est au complet.
14 avril  2007, Zophia et Zygmunt à la fin du repas,  le cœur et l’esprit toujours grand ouvert.
5 septembre 2007, Cracovie, Pierre ne sait pas que c’est la dernière fois qu’il voit Zygmunt.
5 novembre 2007, Zygmunt vient de mourir, Pierre revient à Cracovie  aux cotés de Zophia.
6 novembre 2007, Zophia très entourée, devant la tombe de Zygmunt, mort le 30 octobre.
25 octobre 2015,  dernier déjeuner avec Zophia et Adam. Aux murs, les rares tableaux que la famille de Zophia a pu sauver en abandonnant la maison de Lvov (actuellement Lviv) en 1944, après que son père a été fusillé par l’armée rouge, en tant que résistant non communiste.
25 octobre 2015, Zophia  regarde sur l’ordinateur portable de Pierre, l’article faisant un rappel l’historique de la coopération Montpellier-Cracovie, à laquelle elle et son mari, ont tant apporté.
25 octobre 2015, Zophia et Adam se remémore de nombreux souvenirs. Pour Adam qui a plus de cinquante ans, la coopération Montpellier-Cracovie représente une très grande part de sa vie. Au premier plan de la photo, un sucrier en argent qui a une longue histoire.
Sucrier en argent, seul objet  de valeur  et de famille, ayant pu être  emporté en fuyant les horreurs de la guerre à Lvov.
9 juillet 2016, visite à Zophia et Adam , avec l’aimable compagnie de Katarzyna BNIN-BNINSKA.
9 juillet 2016, Pierre avec Zophia RYZNERSKA, dont la santé commence à beaucoup décliner,.
23 octobre 2016, Adam toujours aux petits soins pour sa chère maman.
7 juillet 2018, visite à Zophia et à Adam,  qui s’avérera la dernière rencontre de Pierre avec celle qu’il a toujours appelée : « ma sœur polonaise ». Pour pouvoir mieux dire à Zophia toute son estime et son affection, Pierre a demandé à une amie de la Faculté de Pharmacie de Cracovie, Katarzyna, ancienne étudiante à Montpellier, de l’accompagner pour servir d’interprète.
7 juillet 2018, d’évidence Zophia est très affaiblie. En demandant à Katarzyna de prendre cette photo de Zophia  avec lui, Pierre est malheureusement conscient que ce cliché a toutes les probabilités d’être le dernier.  En embrassant Zophia, avant de la quitter, il la serre longuement dans ses bras pour qu’elle sache une dernière fois combien est grand son amour et sa reconnaissance  pour sa « sœur polonaise ».

[Le 30 janvier 2019, 12 H40, F. S., La Grande Motte] : Wieczny odpoczynek racz jej dac Panie. A swiatlosc wiekuista niechaj jej swieci Na wieki wiekow . Niech odpoczywa w pokoju wiecznym . Amen

[Le 7 janvier 2019, 12 H40, M. T., Montpellier] : Très émue par le décès de Zophia Ryznerski. Je l’ai rencontrée à Cracovie fin 1999 et j’ai découvert une personne très simple, discrète et souriante. J’ai une pensée pour Zygmunt avec qui j’ai beaucoup ri lors de ses différents séjours au Labo de Chimie Thérapeutique. Zygmunt et Zophia sont à présent réunis pour l’éternité. Je suis fière de les avoir connus et en garde un très bon souvenir.

[Le 6 janvier 2019, 21 H30, A. B., Nîmes] : Une immense reconnaissance à Zygmunt et Sophie pour tout ce qu’ils nous ont donné à voir et à connaître. Qu’ils reposent en paix !